lundi 20 septembre 2010

Madère

En voilà, un bon cadeau d'anniversaire ! Fidèle à notre tradition de ne s'offrir que des bons moments et peu d'objets matériels, ma chérie Julie m'a invité à passer quatre jours à Madère, pour fêter mon quart de siècle. Elle nous a loué une chambre dans une belle pension dans le quartier des hôtels et s'est dévouée pour conduire une voiture de location pendant 48 heures.

Nous avons atterri mardi 14 septembre au matin, prêtes à prendre la ville de Funchal d'assaut. Première étape en guise de mission de reconnaissance: trouver l'hôtel et investir notre chambre double. Problème, le prévenant réceptionniste, nous voyant deux filles au comptoir, nous propose une chambre twin (deux lits séparés). Nous insistons, c'est bien une chambre double que nous souhaitons. Il nous mène à l'endroit: deux lits le meublent. Nous répétons, oui, nous voulons un seul grand lit (je veux pas que mon genou s'enfonce entre les deux lits, vous voulez un dessin ?). Ah il n'y en a pas ? gueule enclenchée
Finalement, miracle, un lit double se libère, nous nous installons, repérons la piscine. Après une petite douche, il est l'heure de découvrir la capitale madérienne.
Après un rapide déjeûner dans une barque sur la marina, nous partons en direction de la Quinta des Cruzes* ; pas de bol, elle est en opération dératisation jusqu'au lendemain. On prend nos mollets à deux mains, et c'est parti pour la rue en pente qui nous mène aux vieux remparts de la ville. Le monument est désert, complètement. Une atmosphère comme ça, ça se savoure. Après quelque temps, nous finissons la visite des lieux et repartons par là où nous étions venues.
On se balade dans les rues, reconnaissons la cathédrale. Elle ne paye pas de mine de l'extérieur, exception faite de la statue de JP2 superstar de 1991, mais l'intérieur fout la trouille. Opulence, atmosphère étouffée en comparaison de l'extérieur, nombreux fidèles marmonnant leurs prières.
Ensuite, nous attendons le bus en face du bâtiment de l'assemblée de la région autonome, avant de filer à l'hôtel piquer une tête et se changer pour le soir. Nous passons la soirée, après un bon verre (brandy et vin de madère), dans un petit resto à touristes (ils le sont tous) en compagnie d'une sympathique serveuse. Je m'étouffe avec le steak de thon, Julie s'écoeure avec son poisson-sabre aux fuits exotiques. Pour la découverte de la gastronomie madérienne, on ré-essaiera. On notera quand même le délicieux bolo de caco (pain de patate douce beurrée, aillé et persillé) en apéro avec le bon vin de madère.
La nuit que j'espérais bonne, sans chat somnambule pour me harceler, est en fait atroce. Que c'est bon d'être une fille. Douleurs, pas de sommeil en vue entre 2h30 et 5h30, et j'empêche Julie de bien dormir. Nous avons prévu une journée de route et de balade le lendemain, ou plutôt tout à l'heure.

Nous sommes des warriors, et le lendemain, les yeux fatigués, nous partons sur les routes madériennes dans notre Clio d'Europcar rutilante. Au programme: parcours de la côte sud-ouest puis remontée à travers la forêt jusqu'à la côte nord. Madère est toute petite. Nous découvrons avec ravissement la richesse végétale de l'île, ses cultures de bananiers, ses fleurs, ses figuiers de barbarie...
A Porto Moniz, épuisées, nous somnolons devant le spectacle des vagues d'un bleu pur qui s'éclatent en écume immaculée sur les pics en contrebas. Un peu plus loin, quelques coups de truelle ont permis la construction d'une piscine naturelle, pleine d'eau de l'océan, pour que les rares enfants et les nombreuses personnes âgées puissent patauger. A 1€ l'entrée, nous aurions aimé tenter l'expérience, si mon mal de ventre ne me l'avait interdit.
A la sortie de Porto Moniz, nous profitons de la plage de sable noir, volcanique, et ratons de peu la dernière entrée des grottes de lave qui se trouvent quelques kilomètres à l'est. Vient l'heure de manger, nous reprenons la voiture pour Câmara de Lobos, à quelques kilomètres à l'ouest de Funchal. Très beau coucher de soleil sur le port, nous revenons pour partager une bonne soupe de poisson frais. La fatigue nous achève, il est temps de rentrer récupérer des forces pour la journée suivante qui s'annonce aussi chargée.

Enfin une bonne nuit ! C'est armées d'un bon sommeil réparateur que nous reprenons la route vers l'est cette fois, toujours à travers la forêt, et surtout les pics. Après deux belvédères de toute beauté, nous arrivons au sommet du Pico do Areeiro. Un radar flambant neuf nous le cache, nous sommes près de le manquer. La vue est renversante, il est possible deux voir deux des côtes ainsi que foule d'autres pics et leurs villages accrochés sur le flanc.
Un peu de route plus tard, nous arrivons à Monte, un des plus vieux villages de l'île. Nous y mangeons un sandwich chaud et investissons la ville. Sous nos yeux, une très belle église, un riche jardin (nous jouons avec les lianes, nous nous perdons dans les bosquets), une descente sur luge à patins de bois pour les touristes.
Nous remontons vers le nord pour admirer, depuis la vue sur une forteresse du pauvre, le fameux Penha da Aguia (rocher de l'aigle), tout vert, s'avancer sur l'océan. Un peu plus bas, nous pouvons nous poser sur une falaise pour fixer, fascinées, les vagues faire l'amour avec les rochers, les caresser de leur écume, leur monter dessus, repartir pour mieux revenir...
Encore quelques minutes sur le bitume pour pénétrer sur la presqu'île au coin nord-est de l'île. La vue est encore époustouflante, et encore une fois nous sommes seules pour admirer l'océan. Nous finissons l'après-midi en redescendant, étape par étape, la côte est. Le dîner à Santa Cruz est décevant pour Julie, juste bon pour moi. Nous ne sommes pas in the mood pour sortir, nous rentrons. A l'hôtel, nous sirotons gentiment notre flasque de whisky au bord de la piscine, Julie pique une petite tête, puis nous partons nous coucher pour récupérer ce qu'il nous manque de sommeil.

Dernier jour. Notre avion part à 20h10, ce qui nous laisse du temps pour faire encore un tour dans Funchal. Je ne veux pas partir de là avant d'avoir goûté à ces fruits exubérants qui me narguent depuis trois jours. Au mercado dos lavradores (marché des laboureurs), nous mangeons une figue de barbarie (très bonne mais riche en pépins), un fruit de la passion rouge vif (acide et délicieux) et une banane du coin. Nous mâchonnons une petite branche de canne à sucre et nous goûtons encore une mangue locale et la banane-ananas, qui a véritablement le goût de ces deux fruits. Comme il pleut des cordes, nous restons un moment pour admirer les nombreux poissons se faire traiter par les poissonniers madériens.
Petite pause miam avec les tremoços achetés au marché et un bolo de caco chacune (un seul pour deux aurait suffi). Ainsi rassasiées, nous grimpons pour la seconde fois jusqu'à la Quinta das Cruzes. Elle est ouverte. Nous pouvons laisser libre cours à notre imagination pour choisir la décoration de notre nouvelle quinta. Dans une salle la cave, dans une autre la bibliothèque. Ici nous enlevons le mobilier hideux, là nous gardons le lustre et les miroirs. J'accepte avec bonheur le costume de prince de Cendrillon et les montres à gousset. Julie s'approprie les meubles à tiroirs et la petite caisse de pique-nique. Mais un car de touristes français envahissent les lieux et c'est de peu que nous leur échappons.
Dernières courses avant le départ obligent, nous entrons dans le magasin d'une cave de vin de madère. C'est avec deux bouteilles sous le bras que nous reprenons nos pieds pour retourner chercher les affaires à l'hôtel. C'est à ce moment, pour réhausser l'intérêt de l'histoire qui, convenons-le, commençait à devenir chiante, qu'il se remet à pleuvoir des cordes. Imaginez-donc vos deux protagonistes préférées (en même temps, y en a-t-il d'autres ?), chargées, suantes (ce n'est pas parce qu'il pleut qu'il cesse de faire 30°), épuisées, mal aux pieds, maman j'en ai marre, tu me pooortes ?
Un kilomètre et des poussières en pente ascendante plus tard, nous arrivons à hauteur de l'hôtel. Par souci de sécurité (mes fidèles fans remarqueront que je vieillis et que je commets moins de conneries incroyablement handicapantes que par le passé), nous allons vérifier les horaires du bus qui doit nous redescendre en ville pour prendre la navette de l'aéroport. Merveille, ils ne sont pas affichés. Notre résolution de rester attendre le bus tombe à l'eau en même temps que celle-ci recommence à se déverser sur nos têtes et nos bagages. Changement de plan, nous filons vers l'arrêt de l'aérobus, plus cher mais infiniment plus fiable. Là, un chauffeur de taxi qui avait déjà recruté deux clients nous offre de nous conduire pour le prix du billet de bus ; c'est parti.
Nous voilà donc à l'aéroport avec deux heures d'avance, et par conséquent tout le temps qu'il faut pour écrire nos cartes et finir nos victuailles: tremoços, bolos de caco et whisky. Guillerettes et en compagnie du carnet du journal Publico mettant à l'honneur le festival Queer Lisboa qui nous attend, nous décollons droit sur l'océan, en direction du vieux continent.
A l'atterissage, au retour dans le bus, puis à pied jusqu'à notre nouvel appartement, la sensation étrange que nous sommes chez nous dans cette ville qui nous est pourtant encore bien étrangère. Oui, c'est ici chez nous, à Lisbonne, pour 10 mois en tout cas, et qui sait par la suite ?

Madère, c'est fini depuis trois jours, nous avons depuis récupéré notre chez-nous, notre chat, et nous fréquentons le festival ciné gay de Lisbonne. Ce matin, c'était la rentrée. Mais l'île ne s'oublie pas avec un joint ou deux. Je ne regretterai pas le béton omniprésent, les touristes envahissants, la cuisine parfois décevante. Mais profiter de plusieurs climats et écosystèmes dans la même journée, découvrir des plantes que l'on n'avait vu qu'en dessin auparavant, s'oublier à la contemplation des vagues pures, ça je risque de le regretter encore un moment.
Pourquoi pas une prochaine fois, au printemps ? Note à moi-même: prévoir un stage de désensibilisation à la touristophobie urticante.

* Une quinta, c'est une grande maison, de type manoir, pourvue d'un bon terrain le plus souvent aménagé en jardin(s). En général habitée au bon vieux temps par un grand de ce monde: politique, entrepreneur, auteur à succès, ou tout simplement millionnaire...

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