lundi 27 septembre 2010

De la confiance aveugle (ou presque)

L'installation dans un nouveau pays (ou simplement dans une nouvelle ville) requiert quelques ajustements, qui peuvent prendre quelques temps. Si on a choisi la voie de la légalité, il faut passer par tout un tas de démarches pour officialiser sa présence. Puis lutter pour ouvrir un compte en banque, s'abonner à internet. Et bien sûr, socialement, on repart de zéro: c'est la pêche aux amis, aux sorties.

Parfois c'est la galère, mais il peut arriver, un jour, un coup de chance. Dans tous les cas, ça fait des histoires à raconter, et c'est précisément ce que je fais.
Le coup de chance, tellement beau qu'il en devient louche, a frappé à notre porte un soir. C'est une représentante de Meo (société de télécoms) venue pour nous proposer un abonnement. 19€ par mois, téléphone et internet illimité, installation en deux jours... le rêve livré à domicile. Elle se présente comme Jeanne, Brésilienne. Le courant passe tout de suite, elle furète parmi nos vinyles, discute avec Julie, Guillaume, moi, par signes quand la barrière de la langue semble insurmontable. Le contrat internet ne peut pas être finalisé sur le champ pour défaut de papier administratif, mais nous gardons son numéro pour plus tard.

Depuis trois semaines, nous voyons Jeanne régulièrement. Elle passe à la maison quand elle a envie d'une pause et partage un joint ou deux avec nous. Elle nous a même apporté du vin et proposé de nous balader en week-end à Setúbal, où elle habite. En bref, c'est quelqu'un de très sympa, ouverte. Ça, ou une arnaqueuse très fine.
Oui, car m'étant faite rouler quelques fois quand j'étais plus jeune et plus naïve, un soupçon de paranoïa pointe le bout de son nez à ce moment de l'histoire. Pourquoi Jeanne est-elle aussi sympa avec des gens avec qui elle peut à peine communiquer ? Pourquoi tant de générosité ? Est-ce que quelque chose prouve qu'elle est bien qui elle prétend être, en dehors de son T-shirt Meo et de sa parole ? C'est donc en m'attendant à moitié à une entourloupe que l'on continue de la voir. Tant qu'elle ne nous demande rien (argent, papiers...), tout va bien.

Vendredi dernier, j'obtiens enfin mon número de contribuinte, le sésame pour l'abonnement internet. Jeanne débarque le lendemain pour signer les papiers. Elle arrive, souriante comme toujours, avec ses formulaires et une imprimante-scanner afin de récupérer ma pièce d'identité.
Problème, l'imprimante ne fonctionne pas. Sans s'inquiéter, Jeanne nous donne de quoi rouler un joint pendant qu'elle sort faire des photocopies. Mon fond de parano, un peu mou, lui propose de laisser ses affaires sur place. Que nenni, elle insiste pour tout prendre et déposer son bazar dans la voiture. Elle sort. Je commence à rouler. Et à cogiter.
Je me tourne vers Julie: "Tu vois, la méfiance dont je te parlais l'autre fois ? Eh bien, elle vient de partir avec mon passeport. Et je l'ai laissée faire. J'aurais pu y aller avec elle, mais elle m'a filé de quoi fumer pour nous endormir. Elle n'a rien laissé ici, on a juste son prénom et son numéro de portable. Si elle voulait mes papiers, elle les a, et on ne peut pas la retrouver."
Le joint est allumé, les rires sont un peu nerveux. Nous repensons à quelques détails un peu louches. D'un coup, mes yeux tombent sur la copie carbone des papiers que je viens de signer. Je les parcours, retrouve la case dédiée à l'agent de Meo. Le nom est illisible, mais une chose est claire: le prénom ne commence pas par un J, mais par un L. Stupeur.

Je saute dans mes chaussures, prête à chercher "Jeanne" au cyber (doté d'une photocopieuse), tout en sachant pertinemment qu'une voleuse aura disparu sans demander son reste. Elle a une dizaine de minutes d'avance sur moi. Je descends, maudissant ma nonchalance qui m'a encore fait perdre mes papiers. Une habitude maison, décidément.
À peine fais-je quelques pas en direction du cyber qu'une voix m'interpelle. Jeanne. Elle vient à ma rencontre, me rend mes papiers, me remercie pour tout et repart dans sa voiture. J'ai l'air un peu con, toute seule au milieu de la rue, passablement défoncée, mes papiers à la main. Je sauve la face en fonçant quand même au cyber café, le coeur battant, la poitrine un peu plus légère.

Dans la semaine, un autre employé Meo viendra installer internet à la maison. Le mystère de la Brésilienne hyper-sympatique demeure, mais nous continuons à y travailler. Avec tout ça, on a oublié de lui donner la bouteille de vin de Madère qu'on lui avait ramené...

La morale de l'histoire ? Euh, honnêtement, je ne sais pas encore, là...

3 commentaires:

  1. Tu peux aussi être tombée sur une perle :-)

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  2. Tout ça parce que tu es pressée de jouer à Restaurant City / Mob Wars / autre jeu sur FB (rayer la mention inutile)... :P

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  3. Même pas vrai, j'ai arrêté ces conneries... jusqu'à ce que j'en trouve une autre. :p

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