jeudi 30 septembre 2010

Un peu de sérieux

Je me rends compte que, pour quelqu'un dont les études sont la principale raison d'être Lisboète, je ne parle pas beaucoup des cours et de la fac. Pourtant, la rentrée a bien eu lieu.

Les cours commençaient officiellement le 20 septembre. Bien sûr (c'est une tradition Erasmus), cette première semaine a apporté son lot de galères. En conséquence (bouh, ça sonne comme une mauvaise excuse), je n'ai assisté qu'à trois cours. À la place, j'ai fait la queue devant le bureau des Relations Internationales, j'ai attendu des profs absents, j'ai envoyé des mails interrogateurs, et surtout, j'ai ré-agencé mon emploi du temps comme on remplit une grille de sudoku (et je vous prie de me croire, je suis mauvaise au sudoku).

Depuis lundi, tout va mieux. Dûment inscrite, je suis maintenant libre de me gaver le cerveau jusqu'à ce que mort s'ensuive et que le monde déguste de la citrouille grasse d'hybride, mets de choix s'il en est. Au programme: littérature, culture et linguistique portugaises, et traduction portugais-français.
En littérature portugaise du XXe siècle, il sera surtout question de Modernisme, de Pessoa, Sá-Carneiro, Negreiros... Je pars avec beaucoup de retard culturel sur mes collègues, mais le cours s'annonce très enrichissant. Si je survis au rythme des lectures, that is.
En culture, la prof en est encore, au bout de huit heures de cours, à définir des concepts (culture, civilisation, histoire, valeurs...), donc je ne sais pas encore bien à quoi ressemblera le vif du sujet, mais il devrait être question des XVIIe et XVIIIe siècles au Portugal.
En linguistique, je vais apprendre pour la quatrième fois ce que sont un morphème et un phonème tout en entendant à l'envi que le concept de langue est polysémique et non-aisément définissable. Pour rendre ceci plus digeste sans doute, il est recommandé d'ingurgiter quantité de textes théoriques sur le sujet. Coseriu, Chomsky, Saussure, miom.
Le dernier cours est une oasis de facilité. La traduction de sciences humaines et sociales du portugais vers le français est un exercice difficile pour les étudiants portugais qui font là du thème. Pour moi, c'est bêtement de la version de textes journalistiques assez simples. Cerise sur le gâteau, le cours est dispensé en français par une prof bien de chez nous et plutôt sympa.

Tout cela ne revient finalement qu'à 16h de cours par semaine. Même si je prévois de souffrir dans quelques disciplines, ma légendaire flemme devrait quand même avoir l'occasion de s'exprimer.
De toute façon, elle n'a jamais eu l'intention de se taire.

lundi 27 septembre 2010

De la confiance aveugle (ou presque)

L'installation dans un nouveau pays (ou simplement dans une nouvelle ville) requiert quelques ajustements, qui peuvent prendre quelques temps. Si on a choisi la voie de la légalité, il faut passer par tout un tas de démarches pour officialiser sa présence. Puis lutter pour ouvrir un compte en banque, s'abonner à internet. Et bien sûr, socialement, on repart de zéro: c'est la pêche aux amis, aux sorties.

Parfois c'est la galère, mais il peut arriver, un jour, un coup de chance. Dans tous les cas, ça fait des histoires à raconter, et c'est précisément ce que je fais.
Le coup de chance, tellement beau qu'il en devient louche, a frappé à notre porte un soir. C'est une représentante de Meo (société de télécoms) venue pour nous proposer un abonnement. 19€ par mois, téléphone et internet illimité, installation en deux jours... le rêve livré à domicile. Elle se présente comme Jeanne, Brésilienne. Le courant passe tout de suite, elle furète parmi nos vinyles, discute avec Julie, Guillaume, moi, par signes quand la barrière de la langue semble insurmontable. Le contrat internet ne peut pas être finalisé sur le champ pour défaut de papier administratif, mais nous gardons son numéro pour plus tard.

Depuis trois semaines, nous voyons Jeanne régulièrement. Elle passe à la maison quand elle a envie d'une pause et partage un joint ou deux avec nous. Elle nous a même apporté du vin et proposé de nous balader en week-end à Setúbal, où elle habite. En bref, c'est quelqu'un de très sympa, ouverte. Ça, ou une arnaqueuse très fine.
Oui, car m'étant faite rouler quelques fois quand j'étais plus jeune et plus naïve, un soupçon de paranoïa pointe le bout de son nez à ce moment de l'histoire. Pourquoi Jeanne est-elle aussi sympa avec des gens avec qui elle peut à peine communiquer ? Pourquoi tant de générosité ? Est-ce que quelque chose prouve qu'elle est bien qui elle prétend être, en dehors de son T-shirt Meo et de sa parole ? C'est donc en m'attendant à moitié à une entourloupe que l'on continue de la voir. Tant qu'elle ne nous demande rien (argent, papiers...), tout va bien.

Vendredi dernier, j'obtiens enfin mon número de contribuinte, le sésame pour l'abonnement internet. Jeanne débarque le lendemain pour signer les papiers. Elle arrive, souriante comme toujours, avec ses formulaires et une imprimante-scanner afin de récupérer ma pièce d'identité.
Problème, l'imprimante ne fonctionne pas. Sans s'inquiéter, Jeanne nous donne de quoi rouler un joint pendant qu'elle sort faire des photocopies. Mon fond de parano, un peu mou, lui propose de laisser ses affaires sur place. Que nenni, elle insiste pour tout prendre et déposer son bazar dans la voiture. Elle sort. Je commence à rouler. Et à cogiter.
Je me tourne vers Julie: "Tu vois, la méfiance dont je te parlais l'autre fois ? Eh bien, elle vient de partir avec mon passeport. Et je l'ai laissée faire. J'aurais pu y aller avec elle, mais elle m'a filé de quoi fumer pour nous endormir. Elle n'a rien laissé ici, on a juste son prénom et son numéro de portable. Si elle voulait mes papiers, elle les a, et on ne peut pas la retrouver."
Le joint est allumé, les rires sont un peu nerveux. Nous repensons à quelques détails un peu louches. D'un coup, mes yeux tombent sur la copie carbone des papiers que je viens de signer. Je les parcours, retrouve la case dédiée à l'agent de Meo. Le nom est illisible, mais une chose est claire: le prénom ne commence pas par un J, mais par un L. Stupeur.

Je saute dans mes chaussures, prête à chercher "Jeanne" au cyber (doté d'une photocopieuse), tout en sachant pertinemment qu'une voleuse aura disparu sans demander son reste. Elle a une dizaine de minutes d'avance sur moi. Je descends, maudissant ma nonchalance qui m'a encore fait perdre mes papiers. Une habitude maison, décidément.
À peine fais-je quelques pas en direction du cyber qu'une voix m'interpelle. Jeanne. Elle vient à ma rencontre, me rend mes papiers, me remercie pour tout et repart dans sa voiture. J'ai l'air un peu con, toute seule au milieu de la rue, passablement défoncée, mes papiers à la main. Je sauve la face en fonçant quand même au cyber café, le coeur battant, la poitrine un peu plus légère.

Dans la semaine, un autre employé Meo viendra installer internet à la maison. Le mystère de la Brésilienne hyper-sympatique demeure, mais nous continuons à y travailler. Avec tout ça, on a oublié de lui donner la bouteille de vin de Madère qu'on lui avait ramené...

La morale de l'histoire ? Euh, honnêtement, je ne sais pas encore, là...

vendredi 24 septembre 2010

L.A. Zombie

L.A. Zombie est un des films phares du festival Queer Lisboa, à en croire le Público, qui lui consacrait une pleine page de son cahier culturel. Le quotidien le présente comme un film porno gay hardcore sur un zombie extraterrestre qui débarque à Los Angeles et pénètre des sans-abri pour les ramener à la vie. Bruce LaBruce, le réalisateur, parle plutôt d'un film « anti-porno », « expérimental », métaphorique. Il se présente comme un artiste engagé, d'avant-garde, qui lutte contre la normalisation du mouvement homosexuel.
Un tel cocktail ne pouvait qu'éveiller notre curiosité. C'est donc mi-amusées, mi-inquiètes, ne sachant pas trop si nous allions rire ou vomir, que Julie et moi nous sommes rendues à la séance de jeudi après-midi pour découvrir « la chose ». Rire ou vomir ? Les deux mon capitaine.

Le film s'ouvre sur un zombie comme sorti de nulle part qui échoue sur une côte non-identifiée. Le zombie, c'est un François Sagat plus bodybuildé que jamais, complètement nu, mais -détail légèrement anti-sexe- peinturluré de vert fluo et affublé d'un dentier aux longs crocs, à peine handicapant, qui le fait baver du sang. Miam.
L'histoire ne commence vraiment qu'au moment de l'accident qui tue un automobiliste peu prudent. C'est alors que notre généreux zombie entreprend de pénétrer allègrement la poitrine béante du jeune homme, jusqu'à ce que son cœur se remette à battre sous nos yeux ébahis. À ce moment précis, le spectateur a du mal à identifier les spasmes qui soulèvent sa poitrine: rire étouffé ou nausée imminente ?
Le reste n'est que variation. Enchaînement de morts, de résurrections, de pénétrations dans le dos, le front... Scènes contemplatives: Sagat se lave dans les égoûts, Sagat se balade dans le métro, Sagat recrache son café en se le tartinant sur le torse, Sagat fait les courses...

Nul doute que ce film est une expérience, et qu'elle est fascinante. Dans son interview, M. LaBruce s'interroge sur le type de public qu'il peut attirer. On se le demande également. Les vieux messieurs installés seuls dans leurs fauteuils sont partis avant la fin, ne trouvant probablement pas ce qu'ils étaient venus chercher. Ni scènes explicites classiques, ni beaux gosses. Les cinéphiles ont pu regretter le manque de crédibilité du scénario, la pauvreté du jeu d'acteur, le manque de rythme... Les curieux repartent avec quelques fous rires et la satisfaction d'avoir vu un OVNI.
Finalement, ça valait bien le détour...

jeudi 23 septembre 2010

Bienvenue à Djoulie

Comme vous le verrez ci-dessous, Djoulie est maintenant une contributrice à ce blog. Ainsi, elle pourra apporter un autre regard sur l'aventure lisboète et compléter ce que j'oublie. Comme je viens de lui donner les pouvoirs d'admin également, elle peut même tout foutre en l'air. Yay ! Anarchy !
Djoulie est la première contributrice à ce blog, mais j'espère bien qu'elle ne sera pas la dernière. Plus vous êtes nombreux à participer et à raconter ce que vous avez à dire sur Lisbonne, moins j'ai de boulot... hem, plus ce blog sera riche, je veux dire. Comment participer, vous demandez-vous. C'est simple, il suffit de coucher avec moi. Si c'est trop demander, demandez gentiment, et normalement je devrais dire oui. Je ne sais pas dire non.

Bêtises à part, le post de Djoulie sur le festival ciné Queer Lisboa a été rédigé ce matin. Depuis, nous sommes allées en amoureuses à la séance de L.A. Zombie, le dernier film du réalisateur porno Bruce LaBruce. Un monument du 7ème art dont je vais m'empresser de vous faire la critique.

À demain !

Queer Lisboa 14

En matière de gaytitude, le Portugal n'est pas seulement à applaudir pour avoir autorisé il y a peu le mariage entre deux personnes de même sexe.
En effet, dans un petit cinéma au bord de l'Avenida da Liberdade (qui porte du coup bien son nom), à l'abri des regards indiscrets, se tient depuis quatorze ans QueerLisboa, le festival de cinéma gay et lesbien de Lisbonne, qui n'est rien d'autre que le deuxième festival de cinéma le plus important de la ville.

C'est donc mues par notre devoir de bonnes citoyennes queer, et par la publicité assez flatteuse que le supplément culturel du journal O Público réservait au film L.A. Zombie, the movie that never dies (tout un programme !) avec le beau (?) et célèbre (?) François Sagat, que nous sommes allées traîner nos Doc Martens et Birkenstocks dans cette antre de la débauche.

Que doit-on donc s'attendre à trouver dans un pareil festival ?
Des films, bien sûr. On n'y vient pas pour faire de la broderie.
Courts, longs, drôles, tristes, muets, bavards, softs, explicites, documentaires, fictions, animations, de tous pays et de tous temps ou presque, ils ne sont reliés que par un seul dénominateur commun: la volonté de faire connaître un peu mieux la culture queer, de faire accepter les différences, quelles qu'elles soient, de brouiller les frontières entre les genres et les sexes, tous représentés, derrière comme devant l'écran, et de faire s'unir tout ce beau petit monde dans la joie et la bonne humeur sur les fauteuils confortables des trois salles climatisées qu'offre le cinéma São Jorge.

Dans les faits, on a tout de même pu remarquer que, même au sein de la « communauté » LGBT, des frontières, il y en a. Un exemple ? Lors de la projection du fabuleux documentaire danois Hello, my name is Lesbian, la gent masculine était fièrement représentée par un seul spécimen, comme perdu au milieu de lesbiennes hilares et survoltées, venues assister à l'histoire de leur vie, pendant que les autres hommes étaient probablement en train de se délecter des histoires (ou des jolis minois) de Wael, Luz et Harlem, protagonistes très gays d'un film diffusé dans une autre salle.

Mais bon, ce genre d'expérience fait aussi partie du fun, tout comme sonder du regard et détailler les moindres faits et gestes de spectateurs de tous styles, butchs, fems, bears, crevettes, trans, et mêmes quelques hétéros dans le tas, et comparer les uns aux autres en commentant tout bas, parfois gentiment, parfois moins, devant une bière bien fraîche, avant l'ouverture des portes.

Finalement, qu'on y vienne en fervent amateur de cinéma, pour faire des rencontres, pour une conquête d'un soir, pour y voir des stars montantes, pour boire des bières pas chères en écoutant parler anglais, français, portugais, allemand et espagnol ou pour se masturber pendant la séance de minuit, (et pour continuer avec les références musicales pourries), à QueerLisboa, c'est comme aux Champs Elysées, il y a tout ce que vous voulez !

mercredi 22 septembre 2010

À quoi sert un bidet ?

Un bidet, vous savez bien ce que c'est. C'est un élément assez laid de salle de bain (comme ce cher Lagaf' aimait bien nous le rappeler: "beau le lavabo, laid le bidet"... j'adorais cette chanson), qu'on ne trouve guère plus, dans notre beau pays civilisé, que dans les maisons rurales de nos grands-mères.
Et les jeunes naïfs de s'interroger: est-ce que les pâtes poussent dans les arbres ? À quoi ça sert un bidet ?

Eh bien, jeune naïf (ou naïve, on n'est pas sexiste, les filles aussi peuvent être incroyablement incultes), sache que le bidet a plusieurs utilisations assez pittoresques. Les plus sages prétendront qu'il sert à se laver les pieds. C'est bien vrai, nous confirme notre ami Wiki, mais c'est incomplet.
Figurez-vous que le bidet sert aussi officiellement à se laver les fe-fesses et la foufoune (ou le zizi, on n'est toujours pas sexiste). D'où l'expression « à cheval sur mon bidet ». Mais si, vous connaissez, je suis pas complètement folle, hein ?

Bon, mais tout ça pour dire que des bidets, on en trouve dans quasiment toutes les maisons et la plupart des appartements au Portugal (une preuve supplémentaire du retard de développement de ce pauvre pays). Et, donc, nous en avons un magnifique qui siège à côté du trône, un peu obsolète vous direz-vous, puisqu'en bonne hybride moderne je prends une douche tous les jours, et que Julie fait de même.

Mais voilà, j'ai trouvé à quoi me servirait cet attendrissant objet: il est parfaitement indiqué pour les séances épilation des jambes (au passage je casse un mythe, votre butch préférée a cédé à la pression de la société quant à la douceur des jambes). Je me pose sur une chaise, un pied dans le bidet, et hop !

Attention cependant à ne pas boucher les canalisations avec les poils...


lundi 20 septembre 2010

Madère

En voilà, un bon cadeau d'anniversaire ! Fidèle à notre tradition de ne s'offrir que des bons moments et peu d'objets matériels, ma chérie Julie m'a invité à passer quatre jours à Madère, pour fêter mon quart de siècle. Elle nous a loué une chambre dans une belle pension dans le quartier des hôtels et s'est dévouée pour conduire une voiture de location pendant 48 heures.

Nous avons atterri mardi 14 septembre au matin, prêtes à prendre la ville de Funchal d'assaut. Première étape en guise de mission de reconnaissance: trouver l'hôtel et investir notre chambre double. Problème, le prévenant réceptionniste, nous voyant deux filles au comptoir, nous propose une chambre twin (deux lits séparés). Nous insistons, c'est bien une chambre double que nous souhaitons. Il nous mène à l'endroit: deux lits le meublent. Nous répétons, oui, nous voulons un seul grand lit (je veux pas que mon genou s'enfonce entre les deux lits, vous voulez un dessin ?). Ah il n'y en a pas ? gueule enclenchée
Finalement, miracle, un lit double se libère, nous nous installons, repérons la piscine. Après une petite douche, il est l'heure de découvrir la capitale madérienne.
Après un rapide déjeûner dans une barque sur la marina, nous partons en direction de la Quinta des Cruzes* ; pas de bol, elle est en opération dératisation jusqu'au lendemain. On prend nos mollets à deux mains, et c'est parti pour la rue en pente qui nous mène aux vieux remparts de la ville. Le monument est désert, complètement. Une atmosphère comme ça, ça se savoure. Après quelque temps, nous finissons la visite des lieux et repartons par là où nous étions venues.
On se balade dans les rues, reconnaissons la cathédrale. Elle ne paye pas de mine de l'extérieur, exception faite de la statue de JP2 superstar de 1991, mais l'intérieur fout la trouille. Opulence, atmosphère étouffée en comparaison de l'extérieur, nombreux fidèles marmonnant leurs prières.
Ensuite, nous attendons le bus en face du bâtiment de l'assemblée de la région autonome, avant de filer à l'hôtel piquer une tête et se changer pour le soir. Nous passons la soirée, après un bon verre (brandy et vin de madère), dans un petit resto à touristes (ils le sont tous) en compagnie d'une sympathique serveuse. Je m'étouffe avec le steak de thon, Julie s'écoeure avec son poisson-sabre aux fuits exotiques. Pour la découverte de la gastronomie madérienne, on ré-essaiera. On notera quand même le délicieux bolo de caco (pain de patate douce beurrée, aillé et persillé) en apéro avec le bon vin de madère.
La nuit que j'espérais bonne, sans chat somnambule pour me harceler, est en fait atroce. Que c'est bon d'être une fille. Douleurs, pas de sommeil en vue entre 2h30 et 5h30, et j'empêche Julie de bien dormir. Nous avons prévu une journée de route et de balade le lendemain, ou plutôt tout à l'heure.

Nous sommes des warriors, et le lendemain, les yeux fatigués, nous partons sur les routes madériennes dans notre Clio d'Europcar rutilante. Au programme: parcours de la côte sud-ouest puis remontée à travers la forêt jusqu'à la côte nord. Madère est toute petite. Nous découvrons avec ravissement la richesse végétale de l'île, ses cultures de bananiers, ses fleurs, ses figuiers de barbarie...
A Porto Moniz, épuisées, nous somnolons devant le spectacle des vagues d'un bleu pur qui s'éclatent en écume immaculée sur les pics en contrebas. Un peu plus loin, quelques coups de truelle ont permis la construction d'une piscine naturelle, pleine d'eau de l'océan, pour que les rares enfants et les nombreuses personnes âgées puissent patauger. A 1€ l'entrée, nous aurions aimé tenter l'expérience, si mon mal de ventre ne me l'avait interdit.
A la sortie de Porto Moniz, nous profitons de la plage de sable noir, volcanique, et ratons de peu la dernière entrée des grottes de lave qui se trouvent quelques kilomètres à l'est. Vient l'heure de manger, nous reprenons la voiture pour Câmara de Lobos, à quelques kilomètres à l'ouest de Funchal. Très beau coucher de soleil sur le port, nous revenons pour partager une bonne soupe de poisson frais. La fatigue nous achève, il est temps de rentrer récupérer des forces pour la journée suivante qui s'annonce aussi chargée.

Enfin une bonne nuit ! C'est armées d'un bon sommeil réparateur que nous reprenons la route vers l'est cette fois, toujours à travers la forêt, et surtout les pics. Après deux belvédères de toute beauté, nous arrivons au sommet du Pico do Areeiro. Un radar flambant neuf nous le cache, nous sommes près de le manquer. La vue est renversante, il est possible deux voir deux des côtes ainsi que foule d'autres pics et leurs villages accrochés sur le flanc.
Un peu de route plus tard, nous arrivons à Monte, un des plus vieux villages de l'île. Nous y mangeons un sandwich chaud et investissons la ville. Sous nos yeux, une très belle église, un riche jardin (nous jouons avec les lianes, nous nous perdons dans les bosquets), une descente sur luge à patins de bois pour les touristes.
Nous remontons vers le nord pour admirer, depuis la vue sur une forteresse du pauvre, le fameux Penha da Aguia (rocher de l'aigle), tout vert, s'avancer sur l'océan. Un peu plus bas, nous pouvons nous poser sur une falaise pour fixer, fascinées, les vagues faire l'amour avec les rochers, les caresser de leur écume, leur monter dessus, repartir pour mieux revenir...
Encore quelques minutes sur le bitume pour pénétrer sur la presqu'île au coin nord-est de l'île. La vue est encore époustouflante, et encore une fois nous sommes seules pour admirer l'océan. Nous finissons l'après-midi en redescendant, étape par étape, la côte est. Le dîner à Santa Cruz est décevant pour Julie, juste bon pour moi. Nous ne sommes pas in the mood pour sortir, nous rentrons. A l'hôtel, nous sirotons gentiment notre flasque de whisky au bord de la piscine, Julie pique une petite tête, puis nous partons nous coucher pour récupérer ce qu'il nous manque de sommeil.

Dernier jour. Notre avion part à 20h10, ce qui nous laisse du temps pour faire encore un tour dans Funchal. Je ne veux pas partir de là avant d'avoir goûté à ces fruits exubérants qui me narguent depuis trois jours. Au mercado dos lavradores (marché des laboureurs), nous mangeons une figue de barbarie (très bonne mais riche en pépins), un fruit de la passion rouge vif (acide et délicieux) et une banane du coin. Nous mâchonnons une petite branche de canne à sucre et nous goûtons encore une mangue locale et la banane-ananas, qui a véritablement le goût de ces deux fruits. Comme il pleut des cordes, nous restons un moment pour admirer les nombreux poissons se faire traiter par les poissonniers madériens.
Petite pause miam avec les tremoços achetés au marché et un bolo de caco chacune (un seul pour deux aurait suffi). Ainsi rassasiées, nous grimpons pour la seconde fois jusqu'à la Quinta das Cruzes. Elle est ouverte. Nous pouvons laisser libre cours à notre imagination pour choisir la décoration de notre nouvelle quinta. Dans une salle la cave, dans une autre la bibliothèque. Ici nous enlevons le mobilier hideux, là nous gardons le lustre et les miroirs. J'accepte avec bonheur le costume de prince de Cendrillon et les montres à gousset. Julie s'approprie les meubles à tiroirs et la petite caisse de pique-nique. Mais un car de touristes français envahissent les lieux et c'est de peu que nous leur échappons.
Dernières courses avant le départ obligent, nous entrons dans le magasin d'une cave de vin de madère. C'est avec deux bouteilles sous le bras que nous reprenons nos pieds pour retourner chercher les affaires à l'hôtel. C'est à ce moment, pour réhausser l'intérêt de l'histoire qui, convenons-le, commençait à devenir chiante, qu'il se remet à pleuvoir des cordes. Imaginez-donc vos deux protagonistes préférées (en même temps, y en a-t-il d'autres ?), chargées, suantes (ce n'est pas parce qu'il pleut qu'il cesse de faire 30°), épuisées, mal aux pieds, maman j'en ai marre, tu me pooortes ?
Un kilomètre et des poussières en pente ascendante plus tard, nous arrivons à hauteur de l'hôtel. Par souci de sécurité (mes fidèles fans remarqueront que je vieillis et que je commets moins de conneries incroyablement handicapantes que par le passé), nous allons vérifier les horaires du bus qui doit nous redescendre en ville pour prendre la navette de l'aéroport. Merveille, ils ne sont pas affichés. Notre résolution de rester attendre le bus tombe à l'eau en même temps que celle-ci recommence à se déverser sur nos têtes et nos bagages. Changement de plan, nous filons vers l'arrêt de l'aérobus, plus cher mais infiniment plus fiable. Là, un chauffeur de taxi qui avait déjà recruté deux clients nous offre de nous conduire pour le prix du billet de bus ; c'est parti.
Nous voilà donc à l'aéroport avec deux heures d'avance, et par conséquent tout le temps qu'il faut pour écrire nos cartes et finir nos victuailles: tremoços, bolos de caco et whisky. Guillerettes et en compagnie du carnet du journal Publico mettant à l'honneur le festival Queer Lisboa qui nous attend, nous décollons droit sur l'océan, en direction du vieux continent.
A l'atterissage, au retour dans le bus, puis à pied jusqu'à notre nouvel appartement, la sensation étrange que nous sommes chez nous dans cette ville qui nous est pourtant encore bien étrangère. Oui, c'est ici chez nous, à Lisbonne, pour 10 mois en tout cas, et qui sait par la suite ?

Madère, c'est fini depuis trois jours, nous avons depuis récupéré notre chez-nous, notre chat, et nous fréquentons le festival ciné gay de Lisbonne. Ce matin, c'était la rentrée. Mais l'île ne s'oublie pas avec un joint ou deux. Je ne regretterai pas le béton omniprésent, les touristes envahissants, la cuisine parfois décevante. Mais profiter de plusieurs climats et écosystèmes dans la même journée, découvrir des plantes que l'on n'avait vu qu'en dessin auparavant, s'oublier à la contemplation des vagues pures, ça je risque de le regretter encore un moment.
Pourquoi pas une prochaine fois, au printemps ? Note à moi-même: prévoir un stage de désensibilisation à la touristophobie urticante.

* Une quinta, c'est une grande maison, de type manoir, pourvue d'un bon terrain le plus souvent aménagé en jardin(s). En général habitée au bon vieux temps par un grand de ce monde: politique, entrepreneur, auteur à succès, ou tout simplement millionnaire...

Enfin - encore - déjà un nouveau blog ? (rayez la mention inutile)

Bonjour tout le monde et bienvenue dans mon nouveau blog.

Cette nouvelle page se veut la petite sœur de son aîné créé pour narrer mes aventures au pays des cowboys et des Indiens, à NAU. Trois ans déjà se sont écoulés depuis la fermeture de mon premier bébé. Trois ans pendant lesquels je n'avais pas grand-chose de palpitant à raconter, mais je crois bien que c'est reparti.
La petite dernière (pour le moment) est vouée à me suivre dans mes péripéties lisboètes. Je suis à Lisbonne, capitale du Portugal pour une dizaine de mois en Erasmus, afin de compléter ma licence de portugais. Objectifs: améliorer mon niveau de portugais, élargir mes connaissances en histoire et littérature lusophones et acquérir une meilleure connaissance de la culture et gastronomie portugaises. Ah, et passer du bon temps ce faisant, bien sûr.

Ici, je vous décrirai mes démarches et activités dans la ville, je tenterai d'analyser des faits de la société portugaise et je vous présenterai mes impressions. De temps à autre, des invités viendront écrire ici: ma compagne de vadrouille préférée Julie, ou des invités sur notre canapé (famille, amis, et-aloriens, couchsurfers). Si vous souhaitez participer, présentez-vous !

Maintenant la question qui fâche: la fréquence de ce blog. Dans l'idéal, pour vous tenir en haleine, je devrais présenter un court billet tous les jours ou presque et publier un bon article toutes les semaines. Oui, mais il me faut vivre pour avoir des choses à raconter. Je viendrai aussi souvent que mon agenda (à n'en pas douter plein à craquer, espérons-le) me le permettra.

Alors à très vite sur la petite sœur de Arizona Dream: Lisbonne, elle est bonne. Un titre aussi pourri, ça ne peut être que volontaire. Méditez.